L’obsolescence de la pensée à l’époque des robots.

martinouellet - copieLe prochain séminaire du collectif sera sur le thème de L’obsolescence de la pensée à l’époque des robots.

Deux conférences seront données à cette occasion :

« La dialectique ou l’organisation : l’automatisation de la connaissance à l’ère de l’intelligence artificielle »​
par Maxime Ouellet, École des médias, UQAM

qui sera suivie de :

« L’éthique de l’IA, ou la nouvelle misère de la philosophie à l’ère des systèmes »
par Éric Martin, Dép. de philosophie, Cégep Édouard-Montpetit

Le séminaire aura lieu vendredi le 29 novembre 2019 dès 14h, à la salle

DS-2520, à l’UQAM. Le résumé des conférences se trouvent plus bas.

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Résumé conférence M. Ouellet

Le titre de cette conférence s’inspire de l’interprétation que fait Pierre Musso du tableau de Véronèse achevé en 1577 : La dialectique ou l’industrie. Dans son ouvrage intitulé La religion industrielle, Musso fournit deux explications possibles à ce tableau : 1) soit il signifie que l’industrie, à l’instar de la dialectique, serait la liaison médiatrice qui assemble les opposés dans la nouvelle civilisation industrielle ; 2) soit il serait l’indice d’une nouvelle orientation prise au XVIe siècle qui annoncerait le remplacement de la dialectique, comprise comme logique formelle, par une nouvelle raison fondée sur les arts mécaniques. Dans un premier temps, nous nous appuierons sur ces deux hypothèses pour analyser l’émergence de l’intelligence artificielle au XXe siècle. Nous verrons que l’ère de l’intelligence artificielle résulte d’une triple révolution : managériale, cybernétique et néolibérale, qui est au fondement de l’actuel passage d’un capitalisme d’organisation vers un capitalisme tantôt nommé cybernétique ou de plateforme. Au plan sociologique, ces transformations donnent lieu à une nouvelle forme algorithmique de régulation de la pratique sociale reposant sur l’automatisation de la connaissance. Au moyen de la méthode dialectique de déduction sociale des catégories de la pratique, nous verrons que les nouvelles théories postmodernes, comme celles des acteurs-réseaux ou du nouveau matérialisme, consistent en l’expression théorique acritique de cette nouvelle forme de régulation sociale. Dans un second temps, les implications épistémologiques, politiques et économiques de la régulation algorithmique seront présentées à travers l’exemple de la stratégie québécoise de développement de l’intelligence artificielle axée sur les partenariats entres les universités et les acteurs dominants du capitalisme de plateforme. » (M.O.)

Résumé conférence É. Martin

« À partir, notamment, de Michel Freitag, Cornelius Castoriadis et Eric Sadin, cette présentation s’intéresse à la prolifération des discours « éthiques » et des « éthiciens » en intelligence artificielle, dans l’université et dans l’espace public, qui prétendent baliser le développement technoscientifique au moyen de principes devant prémunir contre ses dérives. Or, cette éthique apparaît plutôt comme un sous-produit de la mise en place d’un mode de reproduction opérationnel-décisionnel. Le développement technoscientifique autonomisé produit « en face » de lui (Freitag) un ensemble de droits ou principes transcendantaux ou formels, notamment à partir de théories issues de la philosophie politique libérale, avec la prétention que ces balises pourront encadrer une puissance fondée sur l’illimitation qui viendra au contraire les dissoudre, quand ce n’est pas déjà fait. Ici, l’éthique libérale et formelle apparaîtra comme la forme contemporaine de la « misère de la philosophie » (Marx). Nous proposerons plutôt de lier les considérations éthiques à une démarche politique globale visant à la réinstitution des conditions pédagogiques et politiques permettant d’aller à contre-courant du mouvement de robotisation du jugement et de dissolution de l’espace public politique permettant l’auto-institution de la société plutôt que la domination systémique. Cette démarche doit elle même s’appuyer sur une conversion cognitive reconnaissant notre dépendance envers certaines conditions ontologiques qui, bien qu’étant le résultat d’un développement marqué par la contingence, sont essentielles au maintien dans l’existence du monde et appellent une forme d’autolimitation, alors que la rationalité technoscientifique systémique est précisément fondée sur l’émancipation et l’autonomisation de la production et du faire à l’égard de toute reconnaissance de cette dépendance ontologique. » (É.M.)