Séminaire sur l’ouvrage « Bienvenue dans la machine »

Séminaire avec Eric Martin et Sebastien Mussi. Commentaires de Gilles Labelle et Maxime Ouellet.

Vendredi 28 avril 2023 09h30-12h30 UQAM Local J-1060 ou Zoom (https://uqam.zoom.us/j/84650589052 ).

Hausse de la tricherie et du plagiat, perte du sens de la socialité, déficit d’attention et d’empathie, retards d’apprentissage : les preuves s’accumulent quant aux effets nocifs des technologies du numé­­rique en classe, surtout sur les plans cognitif et social. Mais pour les promoteurs de l’enseignement à distance et de la « techno­pédagogie », le mot d’ordre est « adaptez-vous ! ». Dans une critique sans concession de l’informatisation de l’école, deux professeurs de philosophie nous alertent sur ce qui se profile à l’horizon : la destruction de la culture commune et une dissolution des institu­tions d’enseignement comme lieux de transmission et de formation. Bienvenue dans la machine expose comment l’offensive numérique en cours s’inscrit dans une vision technocratique et économiciste du monde qui réduit l’école à une machine à former du « capital humain ». Un cri d’alarme pour préserver le métier de professeur et son autonomie, plus que jamais mis à mal.

Professeur de philosophie au Collège de Maisonneuve, Sébastien Mussi est l’auteur, chez Liber, de Le nous absent (2018) et Dans la classe (2012). Il est aussi l’auteur, avec Stephan Bersier, du roman graphique Amonjak.

Eric Martin est professeur au département de philosophie du Cégep St-Jean-sur-Richelieu. Il a notamment coécrit ou codirigé, avec Maxime Ouellet, Université inc. Des mythes sur la hausse des frais de scolarité et l’économie du savoir (Lux, 2011) et La tyrannie de la valeur. Débats pour le renouvellement de la théorie critique (Écosociété, 2014). Il est aussi l’auteur de Un pays en commun (Écosociété, 2017).

Lancement du Collectif Société

Voici quelques images du lancement tenu le 10 mars 2023 à la Librarie Port de tête à Montréal par le Collectif Société ainsi que les ouvrages lancés: le numéro 4 des Cahiers Société, la traduction anglaise de Michel Freitag chez Routledge, le tome 4 des « Formes de la société » sur l’Amérique ainsi que le tract politique de Gilles Gagné sur l’indépendance et la justice climatique.

Crise immobilière et rente dans le capitalisme avancé

Séminaire avec Louis Gaudreau

Vendredi 10 mars 2023 14h UQAM – Local J-1187

On assiste depuis peu à un renouveau des travaux sur la rente et le rôle désormais central qu’elle serait aujourd’hui appelée à jouer dans la transformation du capitalisme, voire dans son possible dépassement. Ceux-ci voient dans certains phénomènes récents, tels que la stagnation des économies dites avancées, l’inflation du prix des logements, l’essor de l’économie numérique et de plateforme ainsi que l’accroissement des inégalités fondées sur le patrimoine, les signes de l’émergence d’un nouveau capitalisme dominé par une logique rentière (Christophers, 2020, Adkins et al, 2020) ou, plus encore, de sa dissolution progressive dans une forme renouvelée de féodalisme nommée « technoféodalisme » (Durand, 2020).

Ces thèses reposent cependant sur une théorie réductrice de la rente qui ne considère que le caractère parasitaire du rapport que la propriété génératrice de rente entretient avec le capital, et en vertu duquel la dynamique auto-expansive de ce dernier se verrait systématiquement entravée par des pratiques prédatrices d’appropriation rentière. J’exposerai les limites d’une telle théorie en retraçant l’histoire du marché de l’immobilier résidentiel au Canada et de sa crise actuelle. Je m’attarderai plus particulièrement aux transformations qui, depuis le 19e siècle, ont façonné le mode de financement de la propriété résidentielle, sa production et ses usages. Celles-ci montrent que, à la suite du déploiement de l’industrie bancaire dans le marché résidentiel, de l’essor des entreprises de promotion immobilière et, plus tard, de leur financiarisation, l’obstacle que la propriété et la rente dressent devant le capital est progressivement devenu un moteur de sa reproduction élargie. Ainsi, une fois la rente absorbée par de grandes entreprises, le rapport entre capital et propriété en devient un de subsomption et non de simple prédation (Hai Hac, 2002). Cette logique prévaut également dans les autres secteurs de l’économie, y compris dans l’économie numérique et de plateforme. Ainsi, bien que les dernières décennies aient effectivement donné lieu à un certain retour des rentiers, il y a toutefois lieu de nuancer les thèses voulant que le capitalisme soit en transition vers un nouveau système économique fondamentalement rentier.

Louis Gaudreau est professeur à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal. Il est l’auteur du livre Le promoteur, la banque et le rentier. Fondements et évolution du logement capitaliste publié chez Lux en 2020.

La maternité de substitution : signification et conséquences

Séminaire du Collectif SOCIÉTÉ avec Ana-Luana Stoicea-Deram

*** 27 janvier 2023 14h via ZOOM ***

https://cstjean-qc-ca.zoom.us/j/86834128066?pwd=czN2cGlBRWRaeXA1Ulo4KzJWQnU3UT09

Meeting ID: 868 3412 8066
Passcode: 368427

Résumé de la présentation: Si la maternité de substitution existe depuis plusieurs décennies, et si des Etats de droit œuvrent à sa reconnaissance légale, il est essentiel de comprendre ce que cette pratique signifie et quelles sont ses conséquences pour les êtres humains (dans leur totalité) et pour les droits humains. 1) Pour comprendre la possibilité de l’existence de la maternité de substitution, la perspective féministe devrait être considérée comme incontournable ; non seulement parce que les femmes sont les seules qui y engagent leur vie, mais surtout en raison de l’ancrage de cette perspective dans la grille des inégalités.

2) La maternité de substitution signifie qu’une femme dispose de l’enfant auquel elle donne naissance afin de (et seulement pour) le remettre aux personnes qui en ont demandé la mise au monde. 3) Cette capacité de la femme qui vient de donner naissance à un enfant, de disposer de ce nouveau-né, interroge (a) les critères des limites de cette capacité (la légitimité de l’instance qui saurait les définir ; son statut ; la nature et contenu de ces limites) ; (b) le statut du nouveau-né ainsi remis ; (c) la qualification de la relation entre une femme portant volontairement une grossesse, et l’enfant qu’elle met au monde. 4) Les conséquences de la maternité de substitution sur les droits humains sont paradoxales et, en tant que telles, affaiblissent ces droits non seulement dans leur dimension spécifique (droits des femmes, droits des enfants), mais aussi universelle.

L’analyse que je propose s’appuie sur l’éthique de la considération (Corinne Pelluchon) et sur la représentation concrète de la pratique telle qu’elle apparaît dans des contrats de surrogacy« .

Textes associés à la présentation:

Ana-Luana Stoicea-Deram enseigne les politiques sociales et familiales à l’Institut de recherche et de formation à l’action sociale de l’Essonne (IRFASE). Auparavant, elle a enseigné à l’Université de Bucarest, à l’Université Paris 12 Créteil et à l’Institut of European Studies (IES, Paris). Récemment, elle a coordonné, avec Marie-Josèphe Devillers, l’ouvrage Ventres à louer. Une critique féministe de la GPA (L’échappée, 2022) et a contribué à l’ouvrage Les Marchés de la maternité (coordonné par Martine Segalen et Nicole Athéa, éd. Odile Jacob, 2021).

Séminaire avec Philippe Chanial

Rendre justice à ce qui est

Pour une anthropologie politique de la relation interhumaine

Vendredi 18 novembre 14h au A-5020, UQAM

Résumé: Et si, à prétendre, inlassablement, lever le voile de notre ignorance de la vérité du monde social, les lumières des sciences sociales nous plongeaient, paradoxalement, dans l’ombre ? Que nous donne en effet à voir la « critique critique » contemporaine ? Non plus seulement, selon la formule de Marx, un monde qui n’aurait laissé « subsister entre l’homme et l’homme d’autre lien que le froid intérêt, que les dures exigences du paiement au comptant », mais avant tout un monde de la violence symbolique généralisée. Un champ de forces où les relations de pouvoir, dans la multiplicité de leurs formes, et les volontés de puissance des dominants, sous leurs visages les plus divers, ordonneraient à eux seuls le social. Ainsi, au mot d’ordre émancipateur et si créatif des années 60, « Tout est politique », qui suscita un foisonnement de l’inventivité démocratique paraît se substituer un slogan tristement victimaire : « Tout est domination ». Comme si le moment, nécessaire, du soupçon s’était transformé en ressentiment généralisé.

N’est-il pas urgent de dessiner une alternative à ce regard désenchanté, de frayer une autre voie qui nous donnerait aussi à voir le côté lumineux de la vie sociale, et pas seulement son côté obscur ? Non seulement la noirceur du monde ne saurait avoir le dernier mot, mais surtout, le réalisme bien compris n’est-il pas celui qui, à l’instar du « parti pris des choses » du poète Francis Ponge, prend le parti du réel, et non celui qui le prend à partie, pour le dénoncer inlassablement ? En ce sens, l’aporie fondamentale de la « critique critique » réside dans son refus de rendre justice à la générosité de ce qui est, de ce qui se donne dans la texture subtile des relations interhumaines.

 Cette conférence invite ainsi à cheminer autrement dans le monde des rapports sociaux, en se donnant pour boussole, non plus cette axiomatique de la domination — ou l’axiomatique de l’intérêt qui en constitue, sous bien des aspects, la matrice utilitariste —, mais le paradigme du don, tel que le MAUSS, à la suite de Mauss, proposé de le formuler. Et d’en dégager quelques implications morales et politiques.

Philippe Chanial est professeur de sociologue, Université Paris-Cité, et directeur de La Revue du MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste en sciences sociales). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont La sociologie comme philosophie politique et réciproquement (2011), La délicate essence du socialisme (2009), La société vue du don (2008) et Justice, don et association (2002). Il vient de publier tout récemment Nos généreuses réciprocités. Tisser le monde commun aux éditions Actes Sud (2022).

Séminaire sur l’ouvrage « Ce qui nous délie »

Le vendredi 30 septembre 2022 14h au A-5020, UQAM. (Notez que le lancement des Cahiers société se tiendra ensuite à L’Amère à boire).

Conférenciers:

Pierre Dubuc est le directeur et rédacteur en chef de l’aut’journal, un mensuel indépendant, indépendantiste et progressiste qu’il a fondé en 1984. Il est l’auteur de plusieurs essais politiques et l’initiateur du livre Ce qui nous délie. Il a fondé le club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ Libre), actif au sein du Parti Québécois de 2005 à 2015. Il a aussi été un des candidats à la chefferie du Parti Québécois en 2005.

Gilles Gagné est professeur associé retraité du département de sociologie de l’Université Laval. Il s’intéresse aux formes de la régulation de la pratique sociale et à la théorie sociologique, à l’éducation et à la société québécoise et il a publié des recherches et des essais sur ces thèmes. Il est membre du Collectif Société qui publie les Cahiers Société. Voir sa page sur le site de l’université.

***

L’article ci-bas, par Pierre Dubuc, résume le propos de l’ouvrage qui sera discuté dans le séminaire.

« Ce qui nous délie de Québec solidaire

2022/09/02 | Par Pierre Dubuc

Cet article a été publié dans L’Aut’journal, et originalement dans Le Mouton Noir, VOL XXVII No. 6, 18 août 2022
 

En 2021, Québec solidaire a fait paraître Ce qui nous lie (Écosociété), avec comme sous-titre L’indépendance pour l’environnement et nos cultures. L’ouvrage s’est mérité quelques critiques bienveillantes, sans doute parce que les thèmes de l’environnement et de la culture sont porteurs et que voir QS afficher son parti-pris pour l’indépendance ne pouvait que réjouir celles et ceux parmi ses partisans qui attendaient avec impatience une telle proclamation.

Cependant, les critiques bienveillantes n’ont fait qu’effleurer le contenu de l’ouvrage. Il mérite une analyse plus approfondie étant donné que le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois le présente comme une contribution au projet de pays de son parti, qualifié de solution de rechange « à la tentation de la survivance, ce ‘‘nationalisme rabougri’’ » et marquant une volonté de « renouer avec une approche émancipatrice et démocratique de l’indépendance du Québec ». C’est ce regard critique que pose sur le projet de pays de QS le livre que nous venons de publier sous le titre Ce qui nous délie.
 

De grands absents

Ce qui nous lie traite, entre autres, des Autochtones, de la langue, de la culture, de l’environnement, du Canada pétrolier, mais il se révèle surtout par ses absences. L’absence du mot « nation » est particulièrement intrigante dans un ouvrage qui met l’accent sur la nécessaire alliance entre les peuples autochtones et québécois. Disparu aussi le concept de classe sociale. Pas de chapitre sur la laïcité. Ne cherchez pas non plus une référence à la minorité anglophone. Ni de référence positive à la majorité francophone; elles sont toutes négatives. L’idéologie sous-jacente est celle d’un universalisme désincarné, le miroir gauchiste de l’idéologie de la mondialisation.

Nos auteurs ont passé au crible les différentes propositions de QS. Charles Castonguay évalue déficient l’appareil conceptuel de Ruba Ghazal sur la question linguistique. Marie-Claude Girard aborde la position de QS sur la laïcité bien qu’aucun chapitre n’y soit consacré. André Binette énumère dix conditions incontournables, absentes chez QS, à remplir pour espérer arriver à un dialogue respectueux et fructueux avec les Autochtones. Gilles Gagné démontre que QS n’a pas une conception globale du défi écologiste. Simon Rainville trouve bâclé le chapitre sur la culture et il déplore l’absence du peuple québécois dans l’analyse de QS. Et moi-même, je trouve inexacte la caractérisation du Canada comme « État pétrolier » et « État colonial », ce dernier concept est inspiré d’une analyse erronée d’Alain Deneault.
 

La stratégie

S’il n’y avait qu’à retourner à la planche à dessin pour corriger ces lacunes… Mais il y a plus important encore. Car c’est bien beau de mettre de l’avant des éléments de programme, encore faut-il voir comment ils s’intègrent dans la stratégie du parti. Un petit détour dans son programme s’impose donc. La stratégie de QS se résume à la mise en place d’une assemblée constituante avant toute déclaration d’indépendance. Tout va donc passer par le tamis de cette assemblée constituante fantasmée. Facile alors d’être généreux en promesses sur les questions autochtones, de l’environnement ou autres, lorsqu’on sait qu’on n’aura pas à les honorer, puisqu’elles seront prises en charge par l’Assemblée constituante. Et advienne que pourra!

Il en va de même pour l’accession à l’indépendance. Le titre du chapitre qui lui est consacré dans le programme ne s’intitule pas « Accéder à l’indépendance », mais « Exercer la souveraineté ». On y précise que « le Québec a le droit de disposer de lui-même et de déterminer librement son statut politique » en ajoutant qu’« en ce sens, il est souverain, peu importe la manière dont il décide d’utiliser cette souveraineté ». Autrement dit, le « peuple souverain » pourrait décider de demeurer dans le Canada.

En fait, sa conception de l’assemblée constituante délie Québec solidaire de tout engagement sérieux envers les classes populaires, les minorités culturelles, la minorité anglophone, les Autochtones et la majorité francophone. »