Séminaire sur l’ouvrage « Ce qui nous délie »

Le vendredi 30 septembre 2022 14h au A-5020, UQAM. (Notez que le lancement des Cahiers société se tiendra ensuite à L’Amère à boire).

Conférenciers:

Pierre Dubuc est le directeur et rédacteur en chef de l’aut’journal, un mensuel indépendant, indépendantiste et progressiste qu’il a fondé en 1984. Il est l’auteur de plusieurs essais politiques et l’initiateur du livre Ce qui nous délie. Il a fondé le club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ Libre), actif au sein du Parti Québécois de 2005 à 2015. Il a aussi été un des candidats à la chefferie du Parti Québécois en 2005.

Gilles Gagné est professeur associé retraité du département de sociologie de l’Université Laval. Il s’intéresse aux formes de la régulation de la pratique sociale et à la théorie sociologique, à l’éducation et à la société québécoise et il a publié des recherches et des essais sur ces thèmes. Il est membre du Collectif Société qui publie les Cahiers Société. Voir sa page sur le site de l’université.

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L’article ci-bas, par Pierre Dubuc, résume le propos de l’ouvrage qui sera discuté dans le séminaire.

« Ce qui nous délie de Québec solidaire

2022/09/02 | Par Pierre Dubuc

Cet article a été publié dans L’Aut’journal, et originalement dans Le Mouton Noir, VOL XXVII No. 6, 18 août 2022
 

En 2021, Québec solidaire a fait paraître Ce qui nous lie (Écosociété), avec comme sous-titre L’indépendance pour l’environnement et nos cultures. L’ouvrage s’est mérité quelques critiques bienveillantes, sans doute parce que les thèmes de l’environnement et de la culture sont porteurs et que voir QS afficher son parti-pris pour l’indépendance ne pouvait que réjouir celles et ceux parmi ses partisans qui attendaient avec impatience une telle proclamation.

Cependant, les critiques bienveillantes n’ont fait qu’effleurer le contenu de l’ouvrage. Il mérite une analyse plus approfondie étant donné que le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois le présente comme une contribution au projet de pays de son parti, qualifié de solution de rechange « à la tentation de la survivance, ce ‘‘nationalisme rabougri’’ » et marquant une volonté de « renouer avec une approche émancipatrice et démocratique de l’indépendance du Québec ». C’est ce regard critique que pose sur le projet de pays de QS le livre que nous venons de publier sous le titre Ce qui nous délie.
 

De grands absents

Ce qui nous lie traite, entre autres, des Autochtones, de la langue, de la culture, de l’environnement, du Canada pétrolier, mais il se révèle surtout par ses absences. L’absence du mot « nation » est particulièrement intrigante dans un ouvrage qui met l’accent sur la nécessaire alliance entre les peuples autochtones et québécois. Disparu aussi le concept de classe sociale. Pas de chapitre sur la laïcité. Ne cherchez pas non plus une référence à la minorité anglophone. Ni de référence positive à la majorité francophone; elles sont toutes négatives. L’idéologie sous-jacente est celle d’un universalisme désincarné, le miroir gauchiste de l’idéologie de la mondialisation.

Nos auteurs ont passé au crible les différentes propositions de QS. Charles Castonguay évalue déficient l’appareil conceptuel de Ruba Ghazal sur la question linguistique. Marie-Claude Girard aborde la position de QS sur la laïcité bien qu’aucun chapitre n’y soit consacré. André Binette énumère dix conditions incontournables, absentes chez QS, à remplir pour espérer arriver à un dialogue respectueux et fructueux avec les Autochtones. Gilles Gagné démontre que QS n’a pas une conception globale du défi écologiste. Simon Rainville trouve bâclé le chapitre sur la culture et il déplore l’absence du peuple québécois dans l’analyse de QS. Et moi-même, je trouve inexacte la caractérisation du Canada comme « État pétrolier » et « État colonial », ce dernier concept est inspiré d’une analyse erronée d’Alain Deneault.
 

La stratégie

S’il n’y avait qu’à retourner à la planche à dessin pour corriger ces lacunes… Mais il y a plus important encore. Car c’est bien beau de mettre de l’avant des éléments de programme, encore faut-il voir comment ils s’intègrent dans la stratégie du parti. Un petit détour dans son programme s’impose donc. La stratégie de QS se résume à la mise en place d’une assemblée constituante avant toute déclaration d’indépendance. Tout va donc passer par le tamis de cette assemblée constituante fantasmée. Facile alors d’être généreux en promesses sur les questions autochtones, de l’environnement ou autres, lorsqu’on sait qu’on n’aura pas à les honorer, puisqu’elles seront prises en charge par l’Assemblée constituante. Et advienne que pourra!

Il en va de même pour l’accession à l’indépendance. Le titre du chapitre qui lui est consacré dans le programme ne s’intitule pas « Accéder à l’indépendance », mais « Exercer la souveraineté ». On y précise que « le Québec a le droit de disposer de lui-même et de déterminer librement son statut politique » en ajoutant qu’« en ce sens, il est souverain, peu importe la manière dont il décide d’utiliser cette souveraineté ». Autrement dit, le « peuple souverain » pourrait décider de demeurer dans le Canada.

En fait, sa conception de l’assemblée constituante délie Québec solidaire de tout engagement sérieux envers les classes populaires, les minorités culturelles, la minorité anglophone, les Autochtones et la majorité francophone. »

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